Voici le texte intégral du Message dont la lecture a été donnée par M. Abdelilah Benkirane, Chef du Gouvernement.
Louange à Dieu.
Prière et salut sur le Prophète, Sa famille et Ses compagnons.
Monsieur François Hollande, Président de la République française,
Mesdames et Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement des pays africains frères et amis,.
Mesdames et Messieurs,.
Je voudrais, tout d’abord, exprimer mes sincères remerciements à Son Excellence Monsieur François Hollande, Président de la République française, pour avoir appelé à la tenue de cet important Sommet.
De par la pertinence de ses thématiques et la particularité du contexte dans lequel il intervient, ce Sommet confirme la nouvelle orientation que nous voulons, collectivement, conférer à ce Forum.
En effet, au fil des années, les problématiques inscrites à l’agenda de notre Forum se sont diversifiées, sa composition s’est élargie et ses débats ont progressivement gagné en profondeur.
Nous ne pouvons que nous féliciter de voir notre Forum, qui repose sur les liens historiques solides et les relations traditionnelles denses entre l’Afrique et la France, s’inscrire dans une dynamique d’adaptation aux mutations et aux exigences internationales et de prise en charge des défis et des opportunités continentaux.
Excellences, Mesdames et Messieurs,
Dans un contexte international de crises économique, financière et démographique aigües et concomitantes, l’Afrique incarne l’espérance. Fort d’opportunités avérées et de dynamiques vertueuses, le Continent consolide ses réformes, modernise ses économies, renouvelle ses élites et confirme son intégration dans la globalisation et sa contribution croissante à la gouvernance mondiale.
Cependant, et malgré les efforts significatifs déployés et les résultats tangibles enregistrés, notre Continent peine encore à réaliser pleinement le développement humain, le progrès économique et la stabilité durable.
Face aux multiples défis et menaces à la stabilité des pays africains, une approche globale et cohérente, qui concilie l’action sécuritaire, la réalisation du développement humain et la préservation de l’identité culturelle et cultuelle est plus que jamais nécessaire.
Ainsi, s’agissant de la dimension sécuritaire, la responsabilité première dans la conception, la mise en œuvre et l’évaluation des instruments et des actions de prévention des conflits, de gestion des crises, du maintien de la paix et de reconstruction post-conflit devraient échoir aux Africains, à travers les organisations sous-régionales.
Les démarches d’exclusion, les approches fondées sur les considérations à court terme et les arrières pensées égoïstes se sont révélées limitées dans leur portée et inefficaces, voire contre-productives, dans leurs résultats.
Bien au contraire, la nature complexe et transnationale des défis auxquels est confronté le Continent exige, aujourd’hui, une coopération interrégionale renforcée et une contribution active et appropriée des partenaires internationaux.
L’action concertée et efficace au Mali en est la parfaite illustration.
A cet égard, Je voudrais rendre hommage à l’intervention courageuse et décisive de la France et du Président François Hollande au Mali, qui a été renforcée par l’engagement de nombreux pays africains et de la CEDEAO, pour vaincre la menace terroriste et restaurer la souveraineté du Mali sur l’ensemble de son territoire. Cette même démarche devrait prévaloir tout au long des étapes de reconstruction post-conflit.
C’est ce même état d’esprit qui a présidé à la tenue de la Conférence de Rabat de novembre 2013 sur la sécurité des frontières en Afrique du Nord et dans les pays sahélo-sahariens et qui a permis l’émergence d’une vision politique commune et l’adoption d’un plan d’action opérationnel.
L’expansion de la piraterie dans le Golfe de Guinée s’avère également être une menace de plus en plus lourde. Pour l’affronter, notre action devra s’inspirer de l’expérience en cours dans la Corne de l’Afrique et s’appuyer sur les recommandations pertinentes du Sommet de Yaoundé, dédié à ce fléau.
Plus largement, la Conférence des Etats africains riverains de l’Atlantique, dont le Maroc abrite le Secrétariat, pourra être le cadre de coopération et de concertation pour définir en commun une stratégie visant la sauvegarde de la sécurité de la navigation au large de l’ensemble de la côte atlantique africaine, exposée tout autant à la piraterie et déjà mise à mal par le trafic croissant des stupéfiants, en provenance de l’Amérique du Sud.
Parallèlement à ces actions dans le domaine sécuritaire, il conviendrait de renforcer, avec la même détermination et le même engagement, la coopération en faveur du progrès économique et du développement humain et durable du Continent.
En effet, il ne saurait y avoir de paix et de stabilité durables sans la promotion d’un développement humain, équitable et inclusif. Aborder la question de la stabilité sous le prisme exclusif de considérations militaires et sécuritaires implique des risques importants en termes de réversibilité
Dans ce contexte, et malgré les efforts de mise à niveau du cadre institutionnel et juridique, l’Afrique reste en marge des dynamiques de commerce et d’investissement à l’œuvre au niveau mondial.
Des synergies sont nécessaires entre les actions volontaristes menées au niveau continental et un engagement soutenu et substantiel de la communauté internationale.
A cet effet, Nous avons placé l’Afrique au cœur de notre politique extérieure et avons fait le choix délibéré, naturel et stratégique en faveur d’une coopération solidaire, Sud-Sud et triangulaire, qui se traduit par la mise en œuvre de projets concrets, au bénéfice de plusieurs pays du Continent.
Ces programmes tangibles bénéficient aux populations les plus démunies, dans les domaines essentiels de l’éducation et de la formation, de l’eau, de l’agriculture et de la pêche, de l’électrification et de la santé.
Parallèlement, des partenariats public/privé et d’importants investissements ont été opérés, avec succès, dans plusieurs pays africains couvrant les domaines de la finance et de la banque, de l’assurance, des télécommunications, des infrastructures et des mines, de l’aménagement urbain et du logement social. Le Maroc est ainsi devenu le premier investisseur africain dans la zone de l’Afrique de l’Ouest et le second dans tout le Continent.
Ces efforts de développement devraient tenir compte des considérations écologiques et des problèmes de l’environnement et des changements climatiques.
L’Afrique n’a pas à choisir entre la croissance économique et le respect de l’environnement.
Le développement durable devrait, dès lors, être au centre de nos politiques publiques, non seulement à cause de l’impérieuse nécessité de préserver les équilibres écologiques déjà fragilisés, mais également en raison des possibilités de croissance supplémentaires qu’offre l’économie verte.
Toute coopération constructive dans ce domaine devrait, également, être fidèle au principe équitable de la responsabilité partagée mais différenciée et intégrer l’impératif d’accompagner l’Afrique dans son adaptation coûteuse aux exigences de l’économie verte.
Nous espérons, ainsi, que la 21ème Conférence des parties à la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques qui se tiendra, à Paris, en 2015, permettra de réaliser des avancées significatives tenant compte des besoins et des attentes de l’Afrique.
Le troisième pilier de toute stratégie de stabilité durable en Afrique concerne la préservation de l’identité culturelle et cultuelle.
Autant il importe de lutter efficacement dans la région sahélo-saharienne contre les manifestations violentes de l’extrémisme et de l’obscurantisme, autant il incombe de s’attaquer, en amont, à leurs origines immatérielles et à leur soi-disant référentiel spirituel.
En effet, la préservation de la paix, la stabilité et la sécurité dans la région est tributaire de la protection de l’identité culturelle et de l’intégrité religieuse qui ont permis aux populations concernées de vivre en harmonie, des siècles durant.
En s’appuyant sur ses liens cultuels ancestraux avec les pays du Sahel, sur le statut de la Commanderie des Croyants et sur l’expérience réussie de la réforme de son champ religieux, le Maroc s’investit dans la protection et la promotion de l’Islam sunnite, modéré, tolérant et ouvert, prévalant historiquement dans la région.
A cet égard, le programme de formation, au Maroc, de 500 Imams maliens, a déjà été initié, dans le strict respect des préceptes communs du juste milieu et du rite malékite en partage.
Parallèlement, il conviendrait de promouvoir des modes de gouvernance territoriale ouverts et inclusifs qui préservent et promeuvent les spécificités culturelles des populations locales, dans le respect de l’intégrité territoriale et de l’unité nationale des Etats.
Mesdames et Messieurs,
La mise en œuvre de toute stratégie de stabilité durable en Afrique devrait être fondée sur le rôle primordial des organisations sous-régionales.
Ces organisations sous-régionales devraient être le pivot de tout plan d’action émanant de nos débats, la clé de voûte de toute stratégie de stabilité et de développement dans le Continent, le cadre de toute entreprise d’intégration économique et la plateforme de coordination pour relever les défis liés au changement climatique et au développement durable.
Dès lors, le rôle des Organisations régionales africaines mérite d’être davantage valorisé et soutenu. Piliers fondamentaux de l’intégration africaine souhaitée, ces organisations constituent les cadres pertinents d’une réponse efficace aux crises spécifiques dans chacune de nos sous régions.
A cet égard, nous nous félicitons de l’action déterminante de la CEDEAO au Mali et encourageons, aujourd’hui, celle de la CEEAC en République de Centrafrique, en relation avec la France et les Nations Unies.
C’est dans ce cadre que le Maroc œuvre à dynamiser l’UMA, à donner une nouvelle orientation à la CEN-SAD et à développer une coopération interrégionale, notamment avec la CEDEAO et la CEMAC.
Excellences, Mesdames et Messieurs,
Les stratégies de stabilité et de développement n’ont de sens, de portée et de légitimité, que si elles placent l’homme au cœur de leurs objectifs.
Le partenariat que nous souhaitons construire ensemble requiert également une approche volontariste pour faciliter la mobilité et la libre circulation des personnes.
Face au phénomène de la migration, souvent source de drames humains et d’insécurité, il convient de développer une nouvelle approche basée sur une démarche volontariste, généreuse et humaniste, tout en prenant en considération les impératifs sécuritaires.
La gestion de ce phénomène nécessite, comme cela a été souligné dès la Conférence euro-africaine de Rabat sur la Migration et le Développement en 2006, la mise en œuvre d’une stratégie globale et intégrée, associant une fluidité des flux migratoires légaux, une lutte contre les réseaux de traite des êtres humains et une politique de co-développement.
Le Royaume du Maroc, pays d’origine, puis de transit est devenu, depuis quelques années, une destination privilégiée de nombreux migrants clandestins d’Afrique subsaharienne. Par devoir de solidarité et fidèle à sa tradition d’hospitalité et d’accueil, le Maroc a récemment mis en place une nouvelle politique migratoire.
Dans le strict respect de ses engagements internationaux, le Maroc a ainsi fait le pari d’adopter une politique nationale, pionnière dans la région, humaniste dans son approche, responsable dans sa démarche et scrupuleusement attentive aux droits fondamentaux des migrants et des réfugiés dans ses objectifs.
Je Me félicite des soutiens appuyés, notamment africains et européens, à cette Initiative et réitère, ici, la proposition marocaine d’organiser, sur cette base, une Alliance africaine pour la migration et le développement, cadre fédérateur autour des risques de la migration clandestine, des réelles possibilités de l’immigration régulière et du nécessaire co-développement, reflet de la responsabilité partagée, en la matière, entre l’Europe et l’Afrique.
Excellences, Mesdames et Messieurs,
Terre d’opportunités et de défis, et espace en pleine expansion, l’Afrique s’investit, sur des bases nouvelles, dans une relation avec la France tournée vers l’avenir, autour d’intérêts mutuels bien compris.
Je suis persuadé que la mutualisation de nos efforts et le renforcement de notre dialogue contribueront à la consolidation de la paix et de la liberté et à la promotion d’un développement humain durable.
Au-delà de ses mérites propres, la plateforme afro-française qui se dégagera du Sommet de l’Elysée servira notre action au sein d’autres instances internationales.
Wassalamou alaikoum warahmatoullahi wabarakatouh.